Premier contact
Ce fut alors un scandale immense sur Terre, en particulier aux États-Unis où le directeur de la NSA fut limogé. Cependant tous les pays de la Terre furent très intéressés par la proposition extraterrestre. Mais le président des État-Unis fit un discours très médiatisé à la Maison-Blanche : il déclara en substance que la technologie extraterrestre était destinée aux Américains et qu’il détruirait toute technologie extraterrestre atterrissant en territoire étranger ; qu’il le ferait : avec ses satellites, avec ses drones, avec ses avions, et même avec ses missiles nucléaires ; cependant il n’était pas certain qu’il laisserait débarquer du matériel extraterrestre sur son propre territoire, à cause de la « contamination » et de la « subversion » possible. Mieux valait aller chercher cette technologie directement sur le satellite extraterrestre ; d’ailleurs, seuls les État-Unis disposaient de la technologie nécessaire pour cela, et de toute façon le vaisseau extraterrestre était déjà encerclé par la flotte satellite américaine, et cette dernière descendrait tout satellite espion ou étranger s’approchant de trop près. Néanmoins, le président reconnaissait que la technologie extraterrestre était destinée à l’ensemble de l’humanité, que, par l’intermédiaire des État-Unis, puis de leurs partenaires, la technologie extraterrestre serait diffusée parmi tous les habitants de la Terre, et les aiderait peut-être à vaincre la faim dans le monde, la maladie, l’analphabétisme et toutes sortes de maux du même genre.
La Chine, la Russie et l’Inde annoncèrent immédiatement une alliance militaire – ou la révélèrent, plutôt – déclarant un commandement unifié de leurs forces satellites d’attaque, se positionnant tout autour de la flotte américaine, et ayant ordre de descendre tout matériel extraterrestre ou américain tentant de revenir sur Terre avant qu’un accord plus équitable n’ait été déterminé. Le président russe déclara même franco, avec une pointe d’ironie, que la technologie extraterrestre était destinée à la Russie pour le bien-être de l’humanité – ce qui ne fit pas du tout rire les Chinois.
Finalement, les extraterrestres déclarèrent que ce n’était pas la peine de se disputer, que de toute façon c’était eux qui décidaient et qu’ils allaient annoncer qui seraient autorisés à voir quelques-unes des technologies extraterrestres. « les État-Unis, la Chine, la Russie, l’Arabie Saoudite et le Bénin ».
« Le Bénin ?! » s’écrièrent en cœur tous les impérialistes. « Oui, le Bénin : nous avons bien étudié la culture et la géographie de ce pays, il s’avère tout à fait capable de recevoir notre technologie ». Pendant ce temps, l’Arabie Saoudite, un impérialiste de troisième ordre, se félicitait qu’on ne parle pas trop d’elle. La chancelière allemande se roula par terre en se frappant la poitrine, le président français répéta en boucle « ce n’est pas possible », et l’empereur japonais resta muet pendant trois jours. On dut mettre ces trois chefs d’État en arrêt maladie. Cependant, les extraterrestres restaient fermes : « les État-unis, la Chine, la Russie, l’Arabie Saoudite, le Bénin et c’est tout ». Le président du Bénin fit un discours où il déclarait en substance : « Eh bah nous, on est d’accord » et les fonctionnaires béninois firent la fête pendant de nombreux jours grâces aux congés exceptionnels qu’on leur avait accordés.
Les extraterrestres eurent la sagesse de prévenir que personne ne devait envahir le Bénin, sinon : personne n’aurait accès aux technologies extraterrestres. Le Bénin devint cependant un foyer d’immigration africaine considérable, à tel point que le pays dut fermer ses frontières, et la France, grande spécialiste de la lutte contre l’immigration, envoya 5000, puis 10 000, puis 15 000 soldats et policiers juguler l’immigration ; l’Allemagne envoya 100 casques bleus en alliance avec la France, et 2000 soldats dans les pays limitrophes ; la Grande-Bretagne fit à peu près la même chose, et les États-Unis dépêchèrent une bonne partie de leur flotte dans le Golfe de Guinée. Bref, toute l’Afrique Noire fut militarisée pacifiquement. L’Arabie Saoudite n’eut pas ce problème, car les États-Unis la protégeaient déjà. Inutile de dire qu’au même moment, les usines d’armement tournaient à plein régime, et que l’on recrutait, pour des salaires élevés, une masse de soldats considérable.
On forma en accéléré deux astronautes béninois et saoudien – les autres nations avaient déjà les leurs – et on envoya le tout dans une fusée américaine, avec cinq capsules destinées à récupérer la technologie extraterrestre. Précisons toutefois que les Américains voulaient d’abord envoyer un robot, mais comme toutes les autres nations envoyaient seulement un humain, ils décidèrent de faire la même chose.
Ils arrivèrent près du satellite extraterrestre. Une porte s’ouvrit et les astronautes pénétrèrent à l’intérieur. Il y faisait tout noir, et il n’y avait pas d’extraterrestre. L’habitacle était d’ailleurs beaucoup plus petit que le satellite lui-même. Puis une sorte d’écran s’illumina, laissant voir en trois dimensions la figure d’extraterrestres.
Ils n’étaient pas très dignes.
Tout d’abord, ils s’exprimèrent exclusivement dans leur langue, et exigèrent que les astronautes fassent de même. Puis ils continuèrent :
« Nous sommes prêts à vous présenter notre technologie, à condition que cette présentation soit retransmise à tous les habitants de la Terre. Concrètement, nous sommes déjà connectés à votre Internet, et nous n’y avons pas fait de dégâts, mais nous voudrions en obtenir l’autorisation officielle de tous les pays »
Après avoir tergiversé pendant une heure, tous les gouvernements finirent par accepter (sauf celui de Corée du Nord), mais ils déclarèrent que l’accord ne serait effectif qu’après que les extraterrestres eurent montré une partie de leur technologie. Les extraterrestres furent d’accord. Ils commencèrent leur exposé :
« Nous pouvons produire toute l’énergie dont la Terre a besoin. Nous pouvons produire tous les matériaux que vous connaissez dans des quantités industrielles, y compris les plus avancés. Nous pouvons produire des millions de tonnes de diamants, de nanotubes de carbone, d’aérogels, etc., et bien d’autres matériaux dont vous ne soupçonnez même pas l’existence. »
« Pouvez-vous produire 1 million de tonnes de pétrole pour l’Amérique ? » demanda le président des États-Unis, mais son importante communication ne fut pas retransmise par la NASA.
« Nous maîtrisons totalement l’énergie nucléaire et la physique des plasmas. Tout à l’heure, nous vous ferons une démonstration. Mais avant, vous pouvez nous poser quelques questions. »
Le Béninois, qui maîtrisait mieux la langue, fut le plus prompt :
_ Pourquoi avez-vous absorbé trois astéroïdes ?
_ Comment ?
L’accent du Béninois était épouvantable.
Il dut faire un dessin exprimant les inquiétudes de l’humanité : trois énormes astéroïdes tombant à toute vitesse sur la Terre.
_ Mais non ! C’est pour les matières premières ! Nous avons toute une industrie dans le vaisseau mère. Vous ne pensiez tout de même pas que nous allions transporter toute cette masse de matériaux depuis notre planète jusqu’ici ?
Et ils firent eux-mêmes un dessin représentant un astéroïde découpé en petits morceaux et envoyé sur Terre où un petit bonhomme représentant un humain qui sautait de joie.
_ Nous sommes ici pour faire du commerce. Nous avons toute une technologie et nous venons l’échanger avec ce que vous avez sur Terre.
Les autres astronautes posèrent d’autres questions, puis les extraterrestres leur demandèrent de sortir.
_ Et maintenant la démonstration.
Deux faisceaux de plasma bleuâtre quittèrent le vaisseau mère et le petit satellite. Ils se croisèrent au-dessus de l’Atlantique, émettant une puissante lumière blanche. Alors une nouvelle étoile apparut dans le ciel européen.
_ Diffusez notre conversation sur Internet.
L’éclat de l’étoile grandit. Progressivement, le flux radiatif devint insupportable à l’intérieur du vaisseau humain, qui se plaça derrière le satellite extraterrestre. La nuit s’éclaircit, et tandis que le ciel bleuissait, un craquement sinistre atteignait la Terre.
Cela eut pour effet de réveiller les vaches. En outre, de nombreux Français tentèrent de téléphoner aux extraterrestres pour leur demander de faire moins de bruit.
Puis l’étoile disparut subitement, ce qui permit aux Français de se rendormir.